dimanche 16 novembre 2008

VISION EASE (1977)


VISION EASE
House of Chadula #1977C

Initials / Return to Romance / False Starts / The Shreeve / The Fling / Missing Persons / Lightning's Hopkins / Misty, I know you're misty / 4 winds (Dave Holland) / Noonah (Roscoe Mitchell) Ramblin (Ornette Coleman) / Solitude (Duke Ellington) / Duet / The Viaduct / Welcome West / The Double AA

EC : acoustic and electric guitar, dobro/Polly Bradfield : acoustic & electric violin/LaDonna Smith : viola/Bruce Ackley : soprano sax,Bb clarinet/John Zorn : alto & soprano sax, Bb clarinet/Henry Kaiser : electric guitar/Davey Williams : banjo

Un aperçu des compositions enregistrées durant la période 77-78, ces bandes étant apparemment parmi les rares à avoir survécu. Si la plupart des morceaux figuraient déjà sur la première galette du double album School (partagé avec John Zorn), cette édition a le mérite de nous offrir quelques pièces inédites ou seulement sorties de manière confidentielle sur cassettes (voir également la compilation Materiali Sonori Eugene Chadbourne / John Zorn 1977-1981).
Bien que l'écoute soit gâchée par une qualité sonore qui oscille entre l'épouvantable et le médiocre, il ne faut surtout pas bouder ces enregistrements « historiques » de nos futures "stars", alors en pleine effervescence créative tant dans l'écriture que dans leur pratique instrumentale, même si leurs plus beaux excès restent à venir. Sous des aspects parfois aléatoires ou bordéliques se cache une logique de construction et une rigueur presque classique. Les «compositions » en question constituent plutôt des schémas directeurs qui laissent une grande marge d'actions aux protagonistes, très appliqués et concentrés même dans les moments les plus débridés. C'est que la fine équipe a parfaitement acquis et intégré l'idiome du free jazz et maîtrise l'art équilibriste, préférant la liberté et l'enjeu d'un terrain à construire plutôt que la répétition de thèmes imposés.
Parmi les meilleurs moments on notera un duo avec Zorn alternant longues plages mystérieuses taillées dans le silence et moments d'emportements décapants. Welcome West est une pièce passionnante et fascinante d'économie de moyens (dommage qu'il n'existe pas plus d'enregistrements de ce trio - les « 300 statues » - et qu'on ait pas plus entendu parler de l'extraordinaire Polly Bradfield). La belle et longue version de Solitude prouve que Chadbourne n'est pas qu'un amuseur mais à l'occasion un jazzman inspiré et pudique. Enfin l'album contient aussi quelques pièces de guitare dans la veine des premiers guitar solos.
Emmanuel Girard

Vision-ease a la saveur du cahier de brouillon en papier remâché et à demi-digéré. Les compositions ciselées et diaboliquement assemblées (présence de John Zorn, Polly Bradfield, Henry Kaiser, entre autres forcenés) sont ici servies dans une sauce lo-fi authentique, avec clicks et clouncs de rigueur: la poésie mécanique de la cassette audio, en somme, et il est remarquable qu'Eugene Chadbourne n'ait pas jugé utile de nettoyer la bande de ces réjouissantes rustines. Par moments, le son est si velu qu'il en est effrayant. Force est de constater que Chadbourne se révèle ici précurseur absolu de la lo-fi (les enregistrements datent tous de 1977-1978), mouvement qui fera bientôt de la "tape madness" une maladie à la mode (et d'ailleurs davantage associé à la pop et au rock qu'au monde de la musique improvisée). Quant aux morceaux, c'est bien tout le contraire. Des miniatures infernales, qui donnent l'illusion du chaos, mais sont réglées avec une minutie d'horloger, et semées de déflagrations délicates, de délicatesses soigneusement broyées, des stridences mathématiques. C'est bien d'un travail de composition dont il s'agit, et l'improvisation découle des structures non-euclidiennes réglées par le docteur, un peu, selon le mot de François Couture, comme sil essayait "d'écrire ce que Derek Bailey improvisait"... Sous le prétexte chadbournien qu'il n'existe pas d'autres traces sonores du travail de cette époque, le bon docteur nous livre un chaud et froid fascinant, mélange de sérieux (le travail de composition) et de délire total (ces clicks et ces clouncs, et ce souffle à décorner les boeufs). Et c'est précisément dans ce paradoxe que réside le principe actif de sa médecine.
Arnaud Le Gouëfflec

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